Paul Perdrizet

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Paul Perdrizet (1870-1938), créateur de la chaire d’archéologie

Archéologue à Delphes et épigraphiste en Macédoine, Paul Perdrizet arrive de Grèce à l’université de Nancy, en 1899, par le hasard d’une suppléance – celle de Louis Couve, qui décède sans reprendre son poste. Il se convertit à l’iconographie médiévale, à partir de l’étude d’une statue lorraine, et impose avec énergie le développement de l’archéologie et de l’histoire de l’art à la Faculté des lettres. La création de l’Institut d’archéologie classique (1902) est suivie de celle d’une chaire d’archéologie et d’histoire de l’art (1909) qui en font le véritable père de l’enseignement universitaire de ces disciplines à Nancy.

De Delphes à la Lorraine en passant par le Proche-Orient

Né en 1870, à Montbéliard, dans une famille protestante aux origines franc-comtoise et alsacienne, Paul Perdrizet fait les études les plus brillantes à Paris (reçu premier à l’École Normale Supérieure en 1890, agrégé de lettres en 1893) avant d’être admis comme membre de l’École française d’Athènes en octobre 1893. Il s’y révèle, sur le chantier de la « Grande Fouille » de Delphes, un archéologue d’une sagacité aiguë, qui en fait vite un auxiliaire indispensable du directeur de la fouille et de l’École, Théophile Homolle : celui-ci garde Perdrizet en Grèce pendant six ans, le double du séjour régulier, jusqu’en 1899, puis le rappelle une année supplémentaire (1901). Il l’envoie également en mission d’exploration en Asie Mineure (1895), à Chypre et en Syrie du Nord (1896), et surtout en Macédoine ottomane (1894, 1899, 1901).

Les résultats remarquables de ces voyages épigraphiques lui valent, en 1902, d’être dépêché par l’Académie des inscriptions et belles-lettres pour vérifier l’authenticité des inscriptions du temple d’Eshmoun à Saïda. Au retour, il visite longuement les fouilles d’Arthur Evans à Cnossos et se passionne pour la découverte de la Crète minoenne. Entre-temps, il a été nommé maître de conférences de langue et de littérature grecque à Nancy, où il reprend le cours d’archéologie.

L’introduction de l’histoire de l’art à la Faculté de Nancy

Les thèmes que choisit Paul Perdrizet pour le cours d’archéologie classique reflètent au départ son activité scientifique en Grèce et l’organisation du musée archéologique universitaire, qu’il conduit à partir de 1902 : l’art cycladique, minoen et mycénien (1903), la religion grecque (1904), la sculpture grecque (1907). La précarité de sa situation initiale à la Faculté des lettres comme son tempérament expliquent l’énergie qu’il déploie tous azimuts pour se fondre dans la société nancéienne : il multiplie les conférences dans les sociétés savantes locales (Académie de Stanislas, Société d’archéologie lorraine), mais aussi à l’Université populaire de Nancy, dont il est un des fondateurs en décembre 1899. Son mariage en août 1906 avec Lucile Gallé consacre la réussite de cette intégration sociale.

Les réticences du public nancéien – relayées par la presse – à l’égard de ses cours d’archéologie préhellénique, jugés trop ardus, l’engagent dès 1905 à élargir son propos. Avec le soutien de la Société des amis des arts, il est le premier à dispenser, en plus du cours d’archéologie classique, des conférences d’histoire de l’art, accompagnées de projections. Son cours sur la peinture italienne au Moyen Âge remporte un franc succès. Il est suivi de cycles sur l’art symbolique du Moyen Âge (1906), la Vierge de Miséricorde (1907), le Miroir de l’Humaine Rédemption (1908), qui correspondent à sa reconversion temporaire à l’iconographie médiévale, pour le besoin de ses thèses, soutenues en mai 1908. Elles lui permettent d’obtenir la création à son bénéfice, l’année suivante, de la chaire d’archéologie et d’histoire de l’art.

En 1909, suite au congrès d’archéologie du Caire, il ajoute l’Égypte gréco-romaine à son champ de recherche : les conférences sur l’art grec d’Égypte (1910), celles sur la religion égyptienne (1914) accompagnent là encore ses travaux scientifiques, menés sous l'égide de la Bibliothèque d’art et d’archéologie, grâce au mécénat de Jacques Doucet.

Départ à Strasbourg

À l’issue de la première guerre mondiale, en 1919, Perdrizet quitte l’université de Nancy pour celle de Strasbourg, redevenue française, où il hérite de la prestigieuse chaire d’archéologie jadis occupée par Adolf Michaelis. Il y conduit avec le même éclectisme des recherches d’histoire de l’art médiéval et d’archéologie égyptienne (1928, 1933-1936), tout en participant, avec un bonheur mitigé, à l’aventure de l’archéologie française au Levant, dans la Syrie mandataire (1924-1925). S’il continue de résider à Nancy jusqu’à sa mort, en 1938, c’est surtout pour veiller sur les affaires Gallé, car il s’est défait de tous ses engagements dans la vie universitaire et intellectuelle locale.

Les Archives Perdrizet

En 1981, à la mort de sa veuve, Lucile Gallé-Perdrizet, ses héritiers font don de l'intégralité des archives scientifiques conservées de Paul Perdrizet à l'université de Nancy. Depuis 2013, ces archives font l'objet d'un programme de recherche et de valorisation, comprenant une publication progressive sur le site des Archives Perdrizet.

Samuel Provost


 Cycles de conférences publiques

- 1902-1903 : archéologie classique ;

- 1903-1904 : archéologie classique, la religion grecque ;

- 1904 : histoire de l'art ;

- 1905 : la peinture italienne à la fin du Moyen Âge ;

- 1906 : l'art symbolique du Moyen Âge :

- 1906-1907 : archéologie classique, la sculpture ;

- 1907 : la Vierge de Miséricorde ;

- 1907-1908 : l'iconographie religieuse du Moyen Âge d'après le Speculum Humanae Salvationis ;

- 1910-1911 : histoire de l'art, la sculpture grecque en Égypte ;

- 1911-1912 : archéologie, études sur Homère ;

- 1913-1914 : archéologie, la religion égyptienne.


Bibliographie

Principales publications en rapport avec l'enseignement dispensé à la Faculté des lettres de Nancy. La liste complète des travaux de Paul Perdrizet peut être consultée sur le site des Archives Perdrizet.

Lutz, Jules, et Paul Perdrizet. Speculum humanae salvationis: texte critique, traduction inédite de Jean Miélot (1448): les sources et l’influence iconographique principalement sur l’art alsacien du XIVe siècle: avec la reproduction en 140 planches du Manuscrit de Sélestat: de la série complète des vitraux de Mulhouse, des vitraux de Colmar, de Wissembourg. Mulhouse: Meininger, 1907.
Perdrizet, Paul. Bronzes grecs d’Égypte de la Collection Fouquet: publications pour faciliter les études d’art en France. Paris: Bibliothèque d’Art et d’Archéologie, 1911.
———. Étude sur le Speculum humanae salvationis. H. Champion, 1908.
———. Fouilles de Delphes, Tome V, Monuments figurés, petits bronzes, terres-cuites, antiquités diverses. 1 vol. Fouilles de Delphes, V. Paris: A. Fontemoing, 1908.
———. La peinture religieuse en Italie jusqu’à la fin du XIVe siècle leçons professées à l’Université de Nancy. Nancy: Impr. de l’Est, 1905.
———. La Vierge de miséricorde : étude d’un thème iconographique. Paris: A. Fontemoing, 1908.
———. Les Terres cuites grecques d’Égypte de la collection Fouquet expliquées par Paul Perdrizet,... Nancy: Berger-Levrault, 1921.
Perdrizet, Paul, et René Jean. « La galerie Campana et les musées français ». Bulletin italien 29, no 7 (1907): 7‑71.

Bibliographie critique

Samuel Provost, « Les archives scientifiques de Paul Perdrizet à l’université de Lorraine (Nancy) ». Anabases. Traditions et réceptions de l’Antiquité, 20 (2014): 385‑90 <hal-01292807>.

———. « Paul Perdrizet, de l’Université aux Établissements Gallé : le parcours original d’un chercheur éclectique ». Annales de l’Est, nᵒ 2 (2015): 299‑317 <hal-01292813>.